Organisé par l’association Éclat, la brocante a fait venir du monde malgré un temps mitigé.
Quatre-vingts exposants. La brocante s’est ouverte après une nuit fraiche et mouillée qui a éprouvé la motivation de quelques habitués de ce vide-grenier. Mais pas celle de Lucette Rat et des bénévoles d’Éclat qui, depuis la veille, ont dessiné sur le sol les emplacements, débuté dès 5 heures du matin le listing des exposants et veillé toute la journée au bon déroulement de la manifestation.
Jacques n’est venu qu’à 10 heures après le tranquille petit déjeuner dominical. En quête d’un énième bibelot qui va encombrer sa maison, il a arpenté les rues de la ville puis le Champ-de-Foire où s’amoncelle un tas de trucs qui ont en commun d’être anciens, souvent usés, d’une utilité parfois discutable, d’un fonctionnement aléatoire et d’un prix le plus souvent attractif.
Faire une bonne affaire est le petit secret que se partagent les visiteurs fidèles à ces balades dans les brocantes villageoises. Et, chacun de montrer à ses amis, croisés dans la rue, la trouvaille du jour achetée, bien sûr, pour rien. Même si ce gaufrier ne s’allumera jamais contrairement aux affirmations du vendeur convaincant, même si cette jolie veste à 10 euros se révèle trop mitée, même si cette poterie était belle sur le buffet de grand-mère mais ne va pas du tout dans son intérieur tout blanc, l’acheteur part content, son sac en plastique plein.
Jacques, tout en bavardant avec ses amis, remarque sur un étal entre divers objets hétéroclites, du matériel de jardinage, de la vaisselle et de vieux livres qui sentent la poussière, un curieux encrier. Il reconnait au premier coup d’oeil un des décors classiques de la faïence de Gien, celui du modèle Renaissance.
Les habitants de la région en ont tant vu du Gien, qu’ils le reconnaissent vite fait. Mais cet article est singulier et différent de ce qu’on voit d’habitude. C’est un encrier en forme de demi-sphère avec un couvercle en laiton. L’acheteur avisé le prend dans sa main, le soupèse, apprécie le décor raffiné, vise son bon état, le retourne pour voir le dessin et la signature sous l’encrier. L’estampille est ancienne. Elle représente un château crénelé qui permet de dater l’objet vers la fin du XIXème.
Ça vaut le coup de négocier l’achat. Cet encrier, prétend l’acheteur, vient de sa famille et il en veut 30 euros. Dans la bonne humeur, la négociation s’engage pour permettre à l’encrier de changer de propriétaire au prix de 25 euros. Une bonne affaire pour Jacques et pour le vendeur qui veut se débarrasser de tout ce qui encombre son grenier. Chacun trouve son compte dans ces échanges qui redonnent vie à des objets dont la mystérieuse histoire ne se finit jamais.
L’encrier dans sa poche, Jacques se souvient avoir lu que Victor Hugo avait sur son écritoire un encrier en faïence de Gien. Qu’a-t-il écrit en y trempant sa plume ? Voilà qui fait rêver le chineur du dimanche de retour chez lui quand il pose ce nouveau bibelot sur son bureau.
Le soleil est revenu dans l’après-midi sur Châtillon.
Les affaires se poursuivent.