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Dans les coulisses depuis six mois, Yann Baillais et Adrien Coutant racontent la préparation de leur prestation musicale avec Aya Nakamura sur le pont des Arts.

Un moment d’exception. Pour la chanteuse française la plus connue au monde et aussi pour les musiciens de la Garde républicaine.
Habituée des cérémonies officielles, la musique de la Garde républicaine joue plus souvent la Marseillaise que des chansons d’Aznavour ou de la pop !

Comment a-t-elle atterri dans cette surprenante aventure où une artiste, aux chansons écoutées plus de deux milliards de fois sur YouTube,  croise l’un des symboles de la République ?

Yann Baillais, chef de pupitre des tambours de la Garde républicaine, nous a rapporté toute la préparation de leur prestation sur ce pont des Arts qui relie sur la Seine l’Institut, dont l’Académie française, au Louvre.

Tout a commencé en janvier dernier quand le chef d’orchestre de la Garde républicaine reçoit un appel l’informant que son groupe et le chœur de l’Armée française participeront à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Avec une star de la chanson dont le nom ne leur a pas été communiqué et devait rester secret.

En février et mars suivant ont débuté les répétitions sur les bases militaires de Satory, un quartier de Versailles, et de Villacoublay. En étudiant les arrangements concoctés par le directeur musical de la cérémonie d’ouverture des JO, Victor Le Masne, les musiciens et surtout les plus jeunes d’entre eux, ont vite repéré que parmi les mélodies d’Aznavour se trouvaient celles des succès d’Aya Nakamura.
À cette période, dans les médias, se développait une intense polémique quant à l’éventuelle  présence de cette chanteuse controversée. Malienne d’origine, de nationalité française, chantant dans un français que d’aucuns trouvent approximatif, son succès touche les jeunes habitués à la langue du rap. Elle a vendu des millions de single de ses titres à travers le monde.

À ces répétitions se sont bien vite associées les danseuses et la doublure de la chanteuse accompagnées par la phalange républicaine. Sur la chaussée d’un passage de la base, en pleine campagne, avait été dessiné le pont des Arts dans sa longueur et sa largeur pour permettre aux musiciens  d’évoluer comme en vrai.

Les musiciens et choristes passaient la journée à travailler quand, lors de leur dernier entrainement, est apparue la star entourée de sa garde rapprochée. Ils ont fait ensemble quelques essais. Yann précise, impressionné, « Elle connaissait parfaitement la chorégraphie, une vraie professionnelle. C’est allé très vite, elle n’avait pas vraiment besoin de répéter ». Venu à cette occasion, le metteur en scène de toute la soirée d’ouverture, Thomas Jolly, a demandé au chef de musique de la Garde  républicaine si ses hommes pourraient danser autour d’Aya. Cette invitation a surpris ce chef, Frédéric Foulquier, qui n’avait jamais reçu une telle demande.

Il a répondu qu’il n’y voyait pas d’inconvénient mais qu’il lui fallait l’autorisation de sa hiérarchie. La sollicitation du trublion qu’est Thomas Jolly est montée, semble-t-il, jusqu’au bureau présidentiel qui a validé la demande. Les Gardes républicains danseront donc avec l’aval du président Macron !

Frédéric Foulquier a garanti après la soirée du 26 juillet dans les médias « C’était un challenge encore plus excitant de faire taire les mauvaises langues et montrer qu’on peut se retrouver autour d’un art comme la musique. C’est la réunion de deux mondes, la langue française académique et de l’autre côté la langue parlée, la langue de la rue ».

Forts de leurs répétitions, les musiciens et choristes, ont enregistré leur prestation dans la salle de concert de la Seine musicale à Boulogne-Billancourt tandis qu’Aya Nakamura faisait, ailleurs, un enregistrement en studio. Le programme comportait deux chansons d’Aznavour, For Me Formidable et La Bohème associées dans un medley improbable aux deux succès planétaires d’Aya, Pookie et Dja Dja.

Tout était donc sur les rails pour la soirée.
Une répétition sur le pont des Arts a eu lieu le 19 juillet à 6 heures du matin, discrétion oblige, avant l’ultime répèt sur la base militaire avec Aya, elle-même, trois jours avant le grand soir.

Arrive enfin le vendredi 26 juillet. La Garde républicaine traverse Paris en matinée avant que la capitale ne soit complètement fermée à la circulation. Et à 11 heures du matin, elle prend place dans les locaux de l’Institut, quai Conti. Les musiciens s’installent sous la célèbre coupole où sont habituellement reçus les nouveaux académiciens. C’est peu dire que tout cela devait être pittoresque. Les musiciens, les choristes, les danseuses envahissent les fameux fauteuils verts, y déposent leur affaires, prennent un déjeuner servi par des bénévoles des JO et font leurs derniers préparatifs du concert qui doit débuter à 20h50. 

Ils se mettent en place une demi-heure avant alors que la pluie commence à tomber ! Au moment du concert, Yann, son ami Adrien et leurs collègues sont trempés. Mais qu’à cela ne tienne, ils sont tous très heureux de ce moment d’exception vu dans le monde entier par plus d’un milliard de téléspectateurs.

Tout s’est passé parfaitement comme prévu, le mystérieux porteur masqué de la flamme en référence au jeu vidéo Assassin’s Creed a embrasé le pont des Arts, la chanteuse a fait son show et les musiciens ont dansé en jouant leur medley.

« Pour nous, il n’y a pas de sous-culture. Et pour une institution comme la Garde républicaine, c’est  important de montrer qu’elle n’est pas figée mais évolue avec son époque et est ouverte sur tous les genres musicaux » a conclu Frédéric Foulquier, trop content de la représentation atypique de son orchestre.

Yann Baillais, lui aussi très heureux d’avoir participé à cette soirée exceptionnelle, s’est dit « très impressionné par toute l’organisation de cette prestation improbable à la rencontre de deux mondes. Elle restera  dans les annales ».

Adrien Coutant avec le porteur de la flamme, masqué

Yann Baillais avec le même, sans masque

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